Dans 50 jours je pars.
Dans 50 jours je pars et quitte ce pays qui n’en peut plus de panser ses plaies. A chaque fois qu’il pense avoir réussi à cicatriser sa peine, l’horreur revient le frapper de plus belle, lui laisse de nouveau la chair à vif.
Dans 50 jours, je pars et laisse un pays dans lequel des fous n’hésitent pas à foncer sur la foule festive et virevoltante qui danse à la lumière des lampions du 14 juillet ; un pays dans lequel boire un verre en terrasse semble être devenu un acte de résistance, un pays dans lequel le simple fait de sortir dans la rue peut amener à se poser la question : « et si ? ».
Et si aujourd’hui était le jour où une fois de plus une poignée de décérébrés décidaient d’ôter la vie de certains individus seulement parce que leurs idéaux ne sont pas les mêmes ? Et si aujourd’hui je sortais voir des amis et ne rentrais plus jamais seulement parce que des malades n’acceptent pas la façon que j’ai de vivre ma vie ?
Dans 50 jours je pars et je ne peux m’empêcher de penser que je serai bien plus en sécurité sur mon île qu’ici, dans le « monde civilisé ». Je ne peux m’empêcher de penser que ce monde devient fou puisque chaque évènement anodin, comme celui d’admirer l’incandescence des feux du 14 juillet, peut virer en quelques secondes à une tragédie sans nom.
Dans 50 jours je pars et bien que je me sois toujours sentie très détachée de la France, bien que je n’aie jamais eu de sentiments profonds d’appartenance ou d’amour pour ce pays, je ne peux m’empêcher de ressentir une profonde lassitude et peine pour ce qu’il endure.
Dans 50 jours je pars et je suis soulagée.
Dans 50 jours je pars et j’espère de tout cœur qu’enfin finiront ces atrocités. Bien sûr ce n’est qu’un fol espoir, une douce espérance fragile et éphémère ; nous savons tous, vous comme moi, que cela ne cessera malheureusement pas.
Alors qu’attendez-vous ? Qu’attendez-vous pour sauter le pas et réaliser tous ces rêves que vous gardez dans un coin de votre tête ? Tous ces projets que vous remettez à plus tard ? Demain tout peut s’arrêter ; tout peut se briser en une seconde, comme cela a été le cas pour ces badauds de la promenade des Anglais. Qu’attendez-vous pour enfin croquer la vie à pleines dents, cueillir le jour, profiter de chaque instant ? Qu’attendez-vous, puisqu’aujourd’hui, en un instant, toute la joie du monde peut être anéantie, où que vous soyez ?
Qu’attendez-vous, pour enfin, vivre votre vie ?